Rien ne force personne à jouir, sauf le surmoi… Marina Lusa
Au sortir de la Grande Guerre, les années 1920-1923 sont très dures en Autriche. Freud vit des heures difficiles et travaille d’arrache-pied pour entretenir sa famille nombreuse. Durant ces années sombres et douloureuses, il perd sa fille Sophie, son élève et patient Anton Von Freund, riche mécène hongrois qui soutenait le mouvement psychanalytique et notamment sa maison d’édition l’Internationaler Psychoanalytischer Verlag, son petit-fils préféré Heinele. Au même moment, il découvre que son cancer de la mâchoire s’aggrave. Malgré tout, Freud ne chôme pas. Inlassablement, il consacre ce qui lui reste d’énergie en écrivant et publiant pour consolider son invention et le parcours entrepris. Ainsi, en 1920, Freud termine son essai Au delà du principe de plaisir où il met en question le principe de plaisir comme seul principe réglant le fonctionnement des rouages du psychisme. Il décrit alors un nouveau dualisme pulsionnel : invisiblement mêlée à Éros, une pulsion muette et silencieuse est à l’œuvre, Thanatos, la pulsion de mort. Il poursuit, en 1921, avec Psychologie collective et analyse du moi où il expose la fonction de l’Idéal-du-moi dans la formation des foules organisées comme l’armée et l’église, mais aussi dans l’amour ou l’hypnose. Puis, en 1923, avec Le moi et le Ça, Freud propose une nouvelle tripartition de l’appareil psychique : le moi, le ça et le surmoi. Le moi, loin d’être le maître qu’on pourrait imaginer, y est coincé entre le ça, réservoir des pulsions qui sont acéphales et ne visent qu’à la satisfaction, et le surmoi, une instance pour le moins ambiguë, à première vue morale, mais qui peut devenir d’une redoutable sévérité et se déchaîner férocement contre le moi en y libérant la pulsion de mort.

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